Jeudi soir, les téléspectateurs de M6 ont passé leur soirée en compagnie de 8 internes lyonnais. La présentatrice star, Karine Lemarchand, présentait les deux premiers épisodes d’une série de reportages sur les internes intitulés Vocation médecin. Emmanuel Bagourd, interne en médecine générale et président de l’ISNAR-IMG* était devant son poste de télévision. Il nous donne ses impressions.

 

Egora.fr : vous êtes-vous senti bien représenté par ce reportage de M6 ?

Emmanuel Bagourd : je pense qu’ils ont montré une toute petite parcelle de ce qu’est l’internat mais ce morceau-là a été représenté de façon plutôt juste. On a vu de l’internat spectacle avec les urgences, où forcement tout va mal, des internes qui enchaînent des heures impossibles en service de chirurgie. Ce n’est pas juste ça l’internat. Il y a aussi tout le pan du vécu chez le médecin généraliste que l’on n’a pas vu du tout et qui devrait être valorisé. L’internat ce n’est pas que les urgences. On travaille dans d’autres services dans les étages, avec les professionnels de santé. Notre vie ne se limite pas à courir tout le temps et à ne pas manger le midi.

 

Le reportage ne représentait donc pas la vraie vie à l’hôpital selon vous ?

Les choses se passent effectivement comme ça dans les services d’urgences de CHU. Mais les internes qui passent dans ces services ne représentent qu’un dixième des effectifs. On ne montre pas du tout par exemple les internes des hôpitaux périphériques qui travaillent conjointement avec l’équipe infirmière par exemple.

Ceci dit, ils ont réussi à montrer une chose qui est encore très juste : le fait que nous sommes formés à l’hôpital pour exercer à l’hôpital…

 

Est-ce l’image que vous, interne, avez envie de montrer au grand public ?

Disons que l’image est suffisamment complexe pour qu’on ait envie de n’en montrer que certaines facettes. Effectivement nous travaillons beaucoup. On tourne plus autour des 60 que des 35 heures ! La question du salaire a été abordée à la fin du dernier épisode, et notamment le fait que nous touchons 1 300 euros bruts au premier semestre.

Je regrette simplement de ne pas avoir vu l’image du médecin qui cherche à soigner la population là où elle est alors que c’est pourtant là que les futurs médecins veulent exercer et non en CHU. La moitié des internes de médecine générale à envie d’exercer dans les déserts médicaux. Tout cela, on n’a pas pu le percevoir. On a montré l’interne en tant que futur praticien hospitalier mais cela ne concerne qu’un quart des médecins en France. L’image de l’interne qui deviendra le médecin de la population manquait.

 

Qu’était pour vous, le plus réaliste dans l’émission ?

(Rire) La fatigue. Pour le coup elle est vrai celle-là ! Et puis le choc entre le passage de l’externat à l’internat avec la prise de responsabilité est bien montré.

 

Avez-vous le sentiment que M6 a essayé de scénariser le quotidien des internes, comme cela a pu être le cas dans un reportage sur les déserts médicaux qui avait fait beaucoup de bruit ?

Dans le reportage sur les déserts médicaux, les personnages étaient exagérés et stéréotypés. Ici, les personnes sont vraies mais elles ont été placées dans des conditions de spectacle. Même si je regrette que le reportage ait montré six hommes et deux femmes alors qu’en médecine il y a 70% de femmes.

 

Est-ce important pour les médecins de faire connaître leur quotidien au grand public ?

Oui je le pense, dans le sens où la population s’imagine que les futurs médecins sont des gens en recherche d’argent ; qui exercent ce métier uniquement pour avoir une qualité de vie prestigieuse. On a besoin de leur montrer que nous ne sommes pas ces gens là. Nous ne faisons pas médecine pour pouvoir garer notre Porsche devant notre piscine. Tous ces clichés ne sont pas vrais.

En même temps, j’aurais aimé voir des internes en oncologie, en santé publique ou en médecine du travail. Il n’y a pas que des internes dépassés en chirurgie lourde.

Ces émissions sont aussi importantes pour casser le mythe du médecin omniscient. Il faut que les gens arrêtent de penser que les médecins savent tout sur tout et ne se trompent jamais.

 

Quel bilan tirer du reportage ?

Rien de particulier si ce n’est que je suis quand même beaucoup moins énervé qu’après le reportage sur les déserts médicaux. Mais je ne suis pas certain que je regarderai les prochains épisodes…

 

Source :
www.egora.fr
Auteur : Sandy Berrebi

 

*InterSyndicale Nationale Autonome Représentative des Internes de Médecine Générale